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ÉCOOCIVISME

Utopie réalisable - 3


Notes de lecture d’après le texte de YONA FRIEDMAN - UTOPIES RÉALISABLES - Chap. III

vendredi 24 octobre 2003, par ecoo


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Ces notes concernent la limitation naturelle de la taille des groupes humains comme point de départ d’une écologie sociale. Les Sel, indépendants, autonomes, cadrent avec ce shéma pour promouvoir un utopie "réalisable".

Notes :


III - TAILLE CRITIQUE DU GROUPE

La société s’est constituée par la communication. Les abstractions inventées par l’humain et transmises deviennent des biens en commun.
 Ce transfert/transmission est terriblement compliqué et aléatoire mais réussit assez souvent.
 Ce transfert, à l’intérieur d’un groupe, devient plus difficile, lent, sujet à malentendus, jusqu’à une limite au-delà de laquelle toute communication s’avère pratiquement impossible.

Cette limite est la contrainte la plus fondamentale, la plus naturelle, à la formation des sociétés.

1. L’impossibilité de "l’utopie universaliste"

La condition de toute utopie réalisable est
  soit la persuasion, à laquelle doit avoir recours l’auteur de l’utopie pour convaincre les acteurs dans la réalisation du projet.
  soit le commun accord : communication directe entre auteur et acteurs pour comprendre la nécessité de réaliser ce projet.

Au-delà de certaines dimensions, ces groupes ne seraient capables d’arriver à l’accord commun nécessaire à la réalisation d’une utopie que très lentement ou même jamais.

Cette grandeur fonctionnelle du groupe est un seuil très important quant aux utopies sociales. Il induit l’impossibilité des utopies universalistes seulement réalisables en fonction d’un consensus universel, par exemple : la paix mondiale, la croissance zéro, la justice sociale (donc les grands principes moraux).

Mais si - par exemple - la paix mondiale est difficile à réaliser, par contre la paix intérieure à une société de dimension limitée existe un peu partout. Même observation pour les autres grands principes moraux, tous réalisables au sein d’un groupe restreint.

Les utopies sociales fondées sur les grands principes moraux sont réalisables quand elles ne concernent qu’un groupe de dimension réduite, à l’intérieur duquel la persuasion entraînant le consensus reste possible. Pour une humanité plus réduite en nombre, répartie en groupes qui ne savent rien de l’existence les uns des autres, cette situation de paix plus ou moins généralisée, de justice sociale, etc., semble être plus réalisable.

2. Valence et dégradation de l’influence.

L’impossibilité des utopies sociales universalistes est la conséquence de certaines propriétés animales de l’homme telles qu’elles résultent de la structure physiologique de l’être humain, de son cerveau.

La structure mathématique des sociétés, exprimée en graphes, et la structure sociale, fonction de la structure mathématique : société égalitaire, hiérarchique, etc… permettent d’imaginer une société de dix millions d’individus dans laquelle chacun pourrait influencer directement tout autre, ce qui est impossible dans la réalité. D’autres contraintes d’ordre biologique sont les limitations de l’animal humain.

Le premier concept, la valence, propriété de l’animal homme, définit le nombre de centres d’intérêts sur lesquels un homme peut concentrer son attention consciente. Par exemple, pouvoir lire à la fois deux textes mais pas comprendre dix textes lus simultanément. Valence deux, peut-être trois, ou plus, mais sûrement inférieure à dix. La valence limite le nombre de personnes dont on peut recevoir, ou sur lesquelles on peut exercer une influence.

Autre concept clé, la dégradation de l’influence au cours de sa transmission dépend de nos capacités cérébrales. C’est la capacité de canal qui est particulière à une espèce ou à une sorte d’objet est fortement limitative pour les structures sociales possibles. L’influence originale ne peut que se dégrader ou devenir négligeable.

La valence et la capacité de canal de l’être humain représentent des seuils naturels, les organisations sociales ou environnementales dépendent sensiblement de la valeur numérique de ces seuils.

3. Le "groupe critique"

La connaissance de ces deux seuils -valence et capacité de canal- déterminent des grandeurs qui limitent le nombre d’éléments (hommes et objets) pouvant appartenir à une société égalitaire ou hiérarchique sans gêner son bon fonctionnement.

Le groupe critique est le plus grand ensemble d’éléments (hommes, objets et liens) avec lequel le bon fonctionnement d’une organisation de structure définie peut être assuré.

La comparaison d’une organisation avec son groupe critique montre immédiatement si un projet ou une utopie sociale est réalisable ou non. Très souvent même, le succès initial attirant de nouveaux adhérents, le groupe s’est accru puis détruit par sa propre expansion !

4. Le "groupe critique" est caractéristique de chaque espèce

Le groupe critique résulte de deux facteurs biologiques, la valence et la capacité de canal, et d’un facteur topologique : la structure de la société -facteur invariant- ne dépendent que des lois de la nature.

La loi du groupe critique est une loi naturelle. Le groupe critique varie avec l’espèce et sa grandeur numérique peut être considérée comme une caractéristique de cette espèce.

L’aliénation est une conséquence du dépassement du groupe critique :
  nous cohabitons avec plus d’hommes que nous ne pouvons en supporter
 nous utilisons plus d’objets que nous ne pouvons en commander…

5. La désintégration des grandes organisations

Ce phénomène du groupe critique dépasse l’hypothèse scientifique. Il s’agit d’un phénomène parapolitique si nous considérons que la viabilité de toute organisation sociale -donc le caractère réalisable de toute utopie- dépend des limites inhérentes à toute communication.

Imaginons un exemple.
 Dix utopistes décident de former un groupe égalitaire. Ils y parviennent.
 Le groupe fonctionne bien, et d’autres humains veulent se joindre à eux.
 Au delà d’un certain nombre, un des anciens deviendra meneur : le groupe a dépassé la grandeur critique égalitaire et est devenu groupe hiérarchique.
 Ce groupe hiérarchique grandit, l’arbre hiérarchique s’installe. Puis, quand le nombre des membres du groupe dépasse 900 (dimension critique de valence 4 et capacité de canal 6), un des sous-groupes devient dissident.
 Ce phénomène est quasi automatique, quand le groupe dépasse la dimension critique correspondant à sa structure sociale, il se scinde.

Cet exemple simplifié montre une des conséquences possibles mais le phénomène est plus complexe car d’autres facteurs entrent en jeu.

La valence dépendra aussi de la durée de référence.

Le nombre d’influences assimilables sera différent si la durée de référence est d’une minute… ou d’un siècle, et du langage par lequel l’influence s’exprime, de la durée nécessaire à un individu pour exprimer et pour assimiler une influence
  codes très rapides : le langage militaire, les codes commerciaux, etc.,
 codes très lents liés à l’expérience vécue : codes artistiques, religieux, philosophiques, etc.

Une autre variable est la vitesse de réaction admise par le contexte extérieur
 un marin conduisant un frêle esquif utilise un gouvernail qu’il peut manier avec une certaine vitesse et auquel obéit le frêle esquif
 il ne sombrera pas tant que sa vitesse de réaction sera plus rapide que le rythme des changements du contexte extérieur (vagues, vents…).

La vitesse de réaction est un élément essentiel pour déterminer la grandeur critique des organisations. La grandeur critique d’une unité militaire à grande vitesse de réaction est beaucoup plus réduite qu’une Église dont la vitesse de réaction peut être mesurée en siècles.

L’expression précise de la grandeur du groupe critique sera donc une fonction dépendant :
  a. de la structure sociale du groupe,
 b. de la valence spécifique de l’espèce humaine,
 c. de la capacité de canal spécifique à l’espèce humaine,
 d. de la vitesse de réaction imposée par un contexte,
 e. de la vitesse caractéristique du langage utilisé par le groupe.

Un groupe ou une organisation qui dépasse la grandeur du groupe critique peut, soit :
  aa. changer sa structure sociale,
  bb. se scinder en plusieurs groupes qui garderont la structure sociale du groupe originel,
  cc. ralentir sa vitesse de réaction.

Ces trois réactions sont :
  soit une révolution,
 soit une sécession,
 soit une sclérose… et représentent un changement politique important conséquence d’un dépassement de la grandeur critique.

Ce phénomène est bien parapolitique ; exemples
 la désintégration, des empires, l’ingouvernabilité des grands États…
 la dégradation des pouvoirs centraux -États ou entreprises- qui font de la politique étrangère, mais sont incapables de faire de la politique intérieure. Les rencontres au sommet sont des clubs de dirigeants essayant de s’entresauver.

6. La diversification

Ce caractère parapolitique du groupe critique ramène à l’impossibilité des utopies universelles. L’utopie unique, héritage des Grecs et de la chrétienté, l’attitude missionnaire, est probablement la caractéristique la plus autodestructrice imaginable.

La clef des utopies serait alors la coexistence dans la diversité. Chaque groupe rechercherait son utopie et ces utopies seraient particulières à chaque groupe.

La multiplicité d’utopies est une sorte de loi de la nature.

Une autre conséquence est l’impossibilité de la communication globale.

Cette hypothèse "occidentale" tacite : la désirabilité d’union, de compréhension, de communication entre tous, ne s’est pas manifestée dans toute sa nocivité tant que cette communication n’a pas été réalisable faute d’une technologie adéquate. Aujourd’hui, c’est l’inadaptation biologique de l’animal humain qui rend impossible la communication générale et l’Occident se remet difficilement du choc.

La peur des catastrophes est un exemple : en cas de pénurie imminente le recours est la création de conseils de sages dont les propositions sont inapplicables parce qu’incommunicables dans le court laps de temps restant, à l’humanité tout entière. La vitesse de réaction correspondrait à plusieurs siècles, ce qui est beaucoup trop long face à l’urgence des problèmes à résoudre.

Par contre, les petits groupes sont capables de réussir le sauvetage par l’autodéfense…
  les marchés noirs pallient les défections des marchés,
 les organisations de quartiers réalisent les service que les gouvernements ne sont plus capables de fournir,
 le troc qui remplace l’argent à l’époque des pénuries,

L’isolement volontaire de petits groupes est un phénomène sain. Nous devons encourager leur émergence.

7. L’autorégulation sociale

Les utopies sociales réalisables obéissent à la loi naturelle du groupe critique. Nous pouvons élargir le concept aux réseaux entre groupes, lesquels sont régis par des lois identiques ; par contre, la vitesse de réaction du réseau peut être plus lente que celle du groupe.

Les lois naturelles de la biologie en sont des exemples typiques : l’existence d’une loi limite est toujours le signe de l’autorégulation d’un système : arrivé à sa limite il commence à se comporter différemment.

De là une constatation : nos sociétés sont parfaitement autorégulantes.
 Si une organisation s’accroît, elle est obligée de changer sa structure, et que, changeant sa structure, elle est contrainte en même temps de changer de dimension. C’est un des facteurs les plus importants de la sélection naturelle.
 Une société qui garde sa structure et s’accroît ralentit sa vitesse de réaction, se rend vulnérable et se détruit à un rythme accéléré. Survivront ceux qui auront été orientés vers un autre type de structure ; peu nombreux ils constitueront le départ d’une autre lignée génétique.

À la différence du chien qui continue de bouger jusqu’à ce qu’il trouve, couché, son parfait bien-être, l’homme s’assoit suivant une image qu’il se fait de la parfaite façon de s’asseoir. Déduction :
 les animaux possèdent la liberté individuelle en suivant des lois inviolables, et
 les hommes n’ont pas de liberté individuelle, mais leur système de lois est violable. Les animaux ont une supériorité sociale sur les hommes qui vient de l’autorégulation régie par des lois strictes et entre autres, celle du groupe critique.

L’utopie réalisable la plus importante consisterait à admettre l’équivalence de toutes les utopies. Ceci n’est possible que dans un système de lois naturelles - qui est inviolable - du type des lois limites. L’utilité et la "réalisabilité" des utopies s’ensuivraient naturellement.

Mais nous vivons bien actuellement dans un système semblable et nous y avons toujours vécu.

Reconnaître le monde dans lequel nous vivons pour ce qu’il est, plus "animal" dans le sens noble du terme, pourrait être fort important pour notre survie.

L’hypothèse du groupe critique peut être considérée comme le point de départ d’une écologie sociale.

À venir : notes de lecture des chapitres suivants ;

Texte intégral : voir

http://www.lyber-eclat.net/lyber/friedman/utopies.html).

Auteur(s)
ecoo

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