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ÉCOOCIVISME

Utopie réalisable - 5


Notes de lecture d’après le texte de YONA FRIEDMAN - UTOPIES RÉALISABLES - Chap. V

mercredi 26 novembre 2003, par ecoo


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Les autres… les objets… la propriété… l’utopie "réalisable" des Sel c’est l’organisation de soi-même - le groupe, sa compta et ses échanges - proposée en alternative socio économique mondialisable.

Notes :


V - L’ORGANISATION DES AUTRES

L’impulsion irrésistible de l’humain est de vouloir "organiser" les autres : société, environnement, d’"améliorer" le monde, de le rapprocher de l’image du monde que chaque individu façonne pour lui-même, alors que la plupart des autres animaux savent s’organiser eux-mêmes. Se changer soi-même ou changer le monde, donc le "conquérir"… Est-ce inévitable ?

1. Une axiomatique des liaisons entre personnes et objets

Dans les chapitres précédents société et environnement sont deux termes qui désignent une même entité, "les autres", un ensemble différent pour chacun.Cet ensemble possède un mécanisme. Comment rendre réalisable l’utopie non paternaliste, malgré le problème de "l’accès", pour un ensemble contenant un nombre d’éléments supérieur à un seuil donné. On ne peut éviter ce problème que pour les ensembles petits et organisés.

De cette constatation : si un système s’accroît, il doit s’organiser, ou se désintégrer pour former des sous-ensembles. Ces organisations, utopiques et réalisables, sont le sujet de ce chapitre.

Il faut d’abord, décrire les liaisons entre les personnes et les objets.
 1. un objet n’appartient à un environnement que s’il fixe l’attention d’un individu ;
 2. un objet nécessaire à la survie d’un individu fixe son attention ;
 3. cette attention se fixe également sur les liens existants entre cet objet et les autres personnes ou objets.

Cette axiomatique inclut des corollaires :
 a. l’environnement peut être différent pour des individus différents en fonction de leur faculté d’attention ;
 b. l’opération génératrice des liens et de la construction du langage est donc l’attention ;
 c. la survie, sans cette attention, n’est pas possible ;
 d. la différence entre individus et objets est une différence d’attention, non traduisible du langage des uns dans celui des autres ;
 e. les limites de la possibilité d’attention peut comporter des seuils différents selon les individus ou les objets.

Cette axiomatique nous permet de décrire l’essentiel des chapitres précédents :
 1. L’attention est fixée par une situation insatisfaisante ;
 2. il est nécessaire de changer cette situation pour survivre ;
 3. l’attention est fixée sur les liens entre cette situation et les autres.

2. Une axiomatique de l’organisation

Le paragraphe précédent décrivait le système de relation entre les éléments d’un environnement. De façon plus détaillée, le mécanisme mixte individus et objets comporte trois types de relations :
 entre personnes et personnes,
 entre personnes et objets,
 entre objets et objets.
Les deux premiers types concernent cette relation fondamentale dans notre société ou environnement : la propriété.

La propriété, au sens général, n’est qu’une fiction : je sais qu’un objet est ma propriété mais cet objet, lui, ne le sait pas. La propriété se réduit donc à une relation passive personne-objet et à une relation de convention personne-personne, ne concernant que l’utilisation de l’objet.

Deuxième axiomatique :
 1. Un individu ne peut faire autre chose avec un objet que de l’utiliser ;
 2. l’utilisation d’un objet implique le consentement des autres ;
 3. le consentement et l’utilisation sont transférables d’un individu à l’autre.

Pour être plus précis distinguons entre les cas :
 une personne et un objet,
 une personne et plusieurs objets en même temps,
 plusieurs personnes et un seul objet simultanément,
 plusieurs personnes et plusieurs objets en même temps.

L’axiomatique prend alors l’aspect suivant :

1. Un individu peut utiliser un objet
 a. en exclusivité,
 b. simultanément avec d’autres.

2. Le consentement permettant cette utilisation requiert
 a. l’attention des autres,
 b. elle échappe à l’attention des autres.

3. Le droit d’utilisation d’un objet est transférable
 a. avec le consentement des autres,
 b. sans le consentement des autres.
 
Toutes les organisations de la propriété représentent une réponse, consacrée par l’habitude, à certaines conséquences du problème de l’accès propre à la variété actuelle de l’espèce humaine.

3. Une théorie de "stockage-réglage" : aspects de l’utilisation

La plus grande partie de la propriété de chaque individu est représentée par des objets tels que souliers, chambres à coucher, voitures, fourchettes, etc. réservés à son usage exclusif et rarement utilisés vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Pendant tout le temps de leur non-utilisation par leur propriétaire légitime, ils sont stockés, et personne ne peut les utiliser. L’utilisation n’occupe qu’une infime fraction de la durée d’existence, ce qui représente un gaspillage et ces objets occupent une place de stockage, autre gaspillage.

Autre manière de poser le problème : un homme n’occupe jamais un volume de plus de quelques 40 m3. Dans une ville d’un million d’habitants, ce volume réellement utilisé correspond à 2 km x 2 km x 10 m. Il y aurait donc à Paris dix-huit arrondissements sur vingt qui ne servent qu’au stockage.

D’autres objets sont à la disposition de tous : le métro, le réseau d’électricité… mais n’ont pas la capacité de servir tous les individus simultanément. Si tout le monde utiliser un de ces objets en même temps, pour éviter le désordre, un système de réglage enregistrant les priorités est alors nécessaire.

Ces deux organisations sont proches et concernent l’attente. Dans le cas du stockage, c’est l’objet qui attend, dans le cas du réglage, c’est la personne qui attend. Ce qui rend ces deux systèmes très coûteux est la réalisation de l’infrastructure du stockage ou du réglage. Le prix d’une armoire est souvent plus élevé que celui de tout ce qu’elle contient…

D’autres objets ne sont pas soumis au stockage ou au réglage. Ce sont les moyens de subsistance élémentaire, économiquement les plus faciles à obtenir, en général.

Décrire le phénomène du stockage-réglage signifie que :

Dans le cas du "stockage" :
 1. l’objet est réservé à un seul individu,
 2. cet usage exclusif est consenti par les autres,
 3. l’objet est transférable sans consentement.

Dans le cas du "réglage" :
 1. l’objet est utilisable, simultanément ou à tour de rôle, par plusieurs personnes,
 2. cet usage est accepté par les autres,
 3. le droit d’usage est transférable avec consentement.

Dans les autres cas :
cas III
 1. l’usage de l’objet est réservé à un seul individu,
 2. cet usage ne nécessite pas de consentement des autres,
 3. mais ce consentement est nécessaire pour le transfert.
 Ce cas pourra représenter la propriété de notre propre corps, ou de notre propre capacité de travail. Une personne ne peut se louer (louer son travail), donc transférer cette propriété (son travail), qu’avec le consentement des autres, mais la nécessité de ce consentement n’entraîne pas une contestation de cette propriété.

cas IV :
 1. l’objet est réservé à un seul individu,
 2. le consentement est nécessaire,
 3. l’objet est transférable avec consentement.
 Ce cas représente tout système de privilège de type héréditaire : noblesse, nom, etc.

cas V :
 1. l’objet appartient à une seule personne,
 2. sans nécessité de consentement des autres,
 3. il est transférable sans consentement des autres.
 Ce cas concerne toute propriété immatérielle (software) : connaissances, informations, etc., obtenue et distribuée sans avoir à demander le consentement des autres.

Cas VI.
 1. l’objet est utilisé par plusieurs personnes,
 2. un consentement n’est pas nécessaire pour avoir l’objet,
 3. cet objet n’est transférable qu’avec le consentement des autres.
 Il s’agit d’un droit de jouissance dans le genre de celui qui consiste à assister à un spectacle, à une réunion quelconque, liée à une invitation particulière.

Cas VII :
 1. l’objet est utilisé par plusieurs personnes,
 2. un consentement est nécessaire pouvoir l’utiliser,
 3. l’utilisation de l’objet est transférable sans le consentement des autres.
 Ce cas correspond à l’utilisation d’une infrastructure technique du genre de celle du réseau routier, réseau de distribution d’eau, électricité, etc.

Enfin, le cas VIII :
1. l’objet est utilisable simultanément par plusieurs personnes,
2. l’utilisation n’implique pas le consentement des autres,
3. le transfert n’implique pas le consentement des autres.
 Ce cas est tout simplement le cas de notre biosphère, la surface de la terre, la mer, l’air à respirer), le but de toute utopie idyllique de retour à la nature, de toute utopie d’abondance, produite par une technologie… utopies nobles par excellence qui impliquent toutes un système de réglage poussé jusqu’à ce degré extrême.

4. Conclusions sur la théorie de "stockage-réglage"

La première constatation est que tous ces systèmes sont réalisables : toutes ces possibilités existent donc déjà partiellement.
La difficulté tient au fait que chaque société ou environnement en contient parallèlement plusieurs qui ne sont jamais suffisamment raccordés.

Contrairement à l’avis de beaucoup d’idéologues ou messies, une société ou un environnement ne peuvent comprendre qu’un seul de ces systèmes de propriété. Conformément au modèle non paternaliste, les membres d’une société devront savoir à laquelle de ces huit organisations ils ont affaire. Ils devront savoir aussi que le passage d’une organisation à une autre est toujours possible avec un simple accord ou consentement.

Cette remarque contredit beaucoup de théories politiques ou pseudo-politiques. À chacun de remodeler sa société (ou son environnement) dans le sens de l’une ou l’autre de ces organisations, puisqu’il s’agit d’une utopie non paternaliste.

Éviter tout jugement de valeur à propos des organisations de la liste laisse toute possibilité d’évaluer, dans un contexte donné, l’effort réel (travail, perte de temps, bien-être, etc.), donc le coût de la transformation d’une organisation en une autre.

Cette liste des organisations possibles des relations personnes-objets, de la propriété, est exhaustive. Nous sommes parvenus à ce résultat par le seul examen de la modalité d’utilisation des objets.

L’erreur des théories politico-économiques est de prendre pour point de départ une réification de cette utilisation : la Propriété, avec un P majuscule, de l’Objet, avec un O majuscule, remplace l’idée de modalité d’utilisation de cet objet (qui est la relation réelle entre hommes et objets).

5. La théorie du "stockage-réglage" : quelques autres aspects

Cette théorie du stockage-réglage comporte encore d’autres aspects : le gaspillage de l’espace et les pertes de temps. Si neuf dixièmes environ de la surface de la ville servent uniquement au stockage, le système de réglage, moins encombrant, nécessite l’espace car il implique un stockage des objets qui sont à la disposition de tous et une très grande perte de temps, le temps d’attente, lié au problème de l’accès.

Dans un système de réglage bien organisé, l’encombrement des objets peut être réduit. Encombrement de la surface terrestre mais aussi dans le temps de la durée de la vie.

Une grande partie des utopies a pour but d’augmenter la durée de vie humaine et l’efficacité d’utilisation de cette durée grâce à des inventions technologiques, comme l’avion, la voiture, le téléphone, etc.

Lorsqu’un un vol de 45 minutes demade environ 4 heures, avec des attentes émiettées en instants inutilisables le parcours en train, qui aurait duré 6 heures n’aurait pas été émietté : j’aurais pu lire, écrire, dormir, etc.
La question est de savoir quelle a été la proportion de temps utilisable dans le voyage. Ceci est un aspect nouveau des systèmes de stockage et de réglage : l’aspect de l’utilisation du temps.

Ce sont surtout les organisations de stockage qui émiettent le temps, à cause du problème de l’accès, de la difficulté de retrouver un objet stocké. Les organisations fondées sur le réglage comportent plus d’attente, mais celle-ci est utilisable.

Un système de réglage est plus avantageux qu’un système de stockage, tant du point de vue de l’encombrement dans l’espace que de celui de l’encombrement dans le temps. Pourtant, selon le modèle de l’utopie non paternaliste, sans décider lequel de ces deux systèmes est le plus avantageux, il s’agit ici de signaler les propriétés des organisations principales, en référence aux capacités préétablies et immuables de la surface terrestre ou de la durée de la vie humaine.

À venir : notes de lecture des chapitres suivants ;

Texte intégral : voir

http://www.lyber-eclat.net/lyber/friedman/utopies.html

Auteur(s)
ecoo

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