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Utopie réalisable - 1


Notes de lecture d’après le texte de YONA FRIEDMAN - UTOPIES RÉALISABLES - Chap. I

mardi 21 octobre 2003, par ecoo


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Ces notes concernent le caractère "réalisable" de certaines utopies. Il va sans dire qu’elles confortent le projet de recours à la technique de création de monnaies locales autogérées en systèmes comptables solidaires.

Notes :


I - LES UTOPIES RÉALISABLES

Notre époque est celle des utopies nombreuses - american way of life, communisme, droits de l’homme… elles mobilisent les foules mais restent des idées vagues, non définies. Les vraies utopies sont celles qui sont réalisables même si une utopie est, par excellence, réalisable.

1. Quand fabrique-t-on des utopies ?

Les utopies anciennes, celle de Thomas More, les utopies chrétiennes sont considérées par leurs auteurs comme réalisables… les utopies existent depuis que le monde est monde, ni plus primitives ou plus développées les unes que les autres. Elles sont soit des tentatives d’utopies, soit des utopies littéraires.

Définir l’utopie réalisable :
 1) construire une théorie cohérente sur des axiomes a priori, puis
 2) regarder si cette théorie peut s’appliquer à des faits réels, observables, et
 3) les expliquer.

Ce qu’est une utopie à l’aide d’une image simple : M** se sent terriblement insatisfait, il réfléchit et imagine une amélioration de la situation
 par un changement de sa seule conduite,
 ou par le changement de conduite d’autres personnes (ou d’objets) avec lesquelles il est en relation.
 première solution, changer sa conduite personnelle, changement réalisable, ne sera donc finalement qu’un projet.
 autre possibilité : M** n’a pas assez de force de caractère pour changer sa conduite, il rêve à cette autre conduite possible et imagine la satisfaction qu’il en retirerait s’il avait la force de se décider à agir. Ce changement de situation, qui semble réalisable, ne sera rien d’autre qu’un rêve, "wishful thinking".
 autre solution encore imaginer un changement de conduite des autres Mais convaincre les autres de changer leur conduite n’est pas facile. M** le sait, donc il n’essaye même pas. Ce projet est une véritable utopie, au sens courant du mot, à cause de la résignation préalable de M**
 dernière solution : M** se mettra à réfléchir et étudiera quels aspects de la conduite des autres il peut réellement changer et de quels moyens il dispose.

Si, finalement, il trouve une stratégie permettant d’obtenir le changement recherché, son utopie devient une utopie réalisable.

2. Esquisse de la théorie

L’exemple de M** permet de construire une théorie axiomatique des utopies en partant de constatations fondamentales :
 a. les utopies naissent d’une insatisfaction collective ;
 b. elles ne peuvent naître qu’à condition qu’il existe un remède connu (une technique ou un changement de conduite), susceptible de mettre fin à cette insatisfaction ;
 c. une utopie ne peut devenir réalisable que si elle obtient un consentement collectif.

Projet et utopie réalisable sont à peu près synonymes mais
 le projet n’implique pas nécessairement le consentement, qui est considéré comme déjà accordé, alors que
 l’utopie réalisable nécessite un consentement qui n’a pas été accordé d’avance.
 L’opération clé de l’utopie réalisable consiste à gagner le consentement, de savoir utiliser une technique,
 l’utopie réalisable vient avant le projet,
 la réalité du projet lui succède grâce à la technique sans laquelle l’idée de l’utopie réalisable n’aurait pas pu naître.

Cette théorie explique l’apparition périodique des utopies :
 il faut qu’une technique ou un comportement nouveau soient connus et assimilés
 l’apport consiste à chercher l’application d’une technique déjà connue, en remède à une situation qui provoque l’insatisfaction collective
 ceux qui formulèrent des utopies étaient moins des inventeurs que des réalistes.

L’apparition d’une utopie implique un décalage puisqu’il s’agit de mettre en application une technique déjà connue
 c’est lorsque la nouvelle technique a été découverte et reconnue qu’une situation commence à apparaître comme insatisfaisante,
 l’idée qu’il serait possible de guérir n’apparaît qu’avec la découverte d’un traitement envisageable. La première loi des utopies est le décalage entre la maladie et le remède.

3. La nécessité du consentement

La condition du consentement massif définit la possibilité de réalisation d’une utopie parce qu’il la transforme en projet
 il ne suffit pas de découvrir un remède, il faut que le malade consente à le prendre.

 La première loi des utopies concerne le décalage entre insatisfaction et technique applicable.
 La deuxième loi des utopies concerne le décalage entre la technique applicable et le consentement nécessaire pour l’application de cette technique.

Ces deux lois ralentissent le développement de l’espèce humaine et impliquent qu’une utopie ne peut jamais être l’invention d’une seule personne puisqu’elle se transformera continuellement par mini-apports individuels, durant la période des deux décalages "traversée du désert".

L’utopie réalisable est axée sur le consentement ou sur la possibilité de consentement à une proposition donnée.

4. Utopies "positives" et utopies "négatives"

 La maladie est insupportable et si on cherche à la guérir c’est parce qu’elle est insupportable.
 C’est l’insatisfaction qui provoque la recherche de l’utopie réalisable… mais pas toujours !
 Un malade incurable, par exemple, essaiera d’améliorer sa situation en faisant une réévaluation, en considérant sa mort prochaine comme une entrée triomphale parmi ses ancêtres, ou au paradis, etc. Autrement dit, il pratique une technique négative, de résignation qui rend sa situation acceptable.

Cette image distingue utopies positives ou utopies négatives et répond aux trois conditions préalables -insatisfaction, technique possible, consentement collectif- mais en introduisant une restriction dans le domaine de la technique possible qui peut soit éliminer la source de la situation insatisfaisante, soit permettre l’appréciation de cette situation, et amèner à l’estimer désirable et satisfaisante.
 La première technique caractérise les utopies positives : la plupart des utopies scientifiques et sociales modernes,
 la deuxième, les utopies négatives : certaines utopies religieuses et morales, techniques également valables dans les contextes appropriés.

5. Utopies "paternalistes" et "non paternalistes"

Une autre loi concerne la collectivité. La connaissance d’une technique applicable, nécessaire au seul technicien-auteur-du-projet de l’utopie reste invention technique non appliquée et peut-être non applicable, tant qu’elle n’est pas suivie du consentement collectif.

La relation entre l’insatisfaction collective et le consentement collectif est capitale ; elle définit la collectivité pour laquelle l’utopie a été conçue.

Mais le technicien-auteur-du-projet appartient-il nécessairement à cette collectivité ou non ? deux réponses types à cette question :
 celui qui opère en concevant l’utopie soit ne fait pas partie de la collectivité consciente de son insatisfaction : premier cas : utopie paternaliste, un individu, ou un groupe, bienveillant et extérieur, essaie d’imposer une voie à une collectivité …pas uniquement des cas abusifs, indépendamment du fait qu’elles découlent de la bonne foi, de la bonne volonté ou de l’hypocrisie. La technique applicable appartient à une poignée d’individus dénommée l’élite, quelle que soit la qualification subjective, donnée à cette dernière.
 soit fait partie de la collectivité insatisfaite qui doit donner son consentement : deuxième cas : utopie non paternaliste, mêmes connaissances détenues ou diffusées par tous et pour tous.

Les utopies réalisables sont en général des utopies non paternalistes, même si elles n’existent qu’à l’état latent mais courent le risque de se transformer en utopies paternalistes. Ce danger menace directement notre survie.

6. Résumé

L’examen purement historique des utopies ne mènerait pas loin. Nous avons préféré construire une théorie axiomatique :
 1. les utopies naissent d’une insatisfaction collective,
 2. les utopies supposent l’existence d’une technique ou d’une conduite "applicables" pour éliminer la source de cette insatisfaction ou bien réévaluer cette insatisfaction en la considérant comme une ouverture vers une meilleure situation.
 3. les utopies ne deviennent réalisables que si elles entraînent un consentement collectif.

Une certaine durée doit séparer les trois stades :
 le stade de l’insatisfaction,
 le stade de l’invention d’une technique applicable et
 le stade du consentement à cette application.

Les utopies peuvent être paternalistes ou non paternalistes, suivant que la connaissance de la technique applicable est à la portée d’une élite ou à la portée de n’importe qui.

À venir : notes de lecture des chapitres suivants ;

Texte intégral : voir

http://www.lyber-eclat.net/lyber/friedman/utopies.html).

Auteur(s)
ecoo

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