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Genèse et libération du conformisme

jeudi 22 novembre 2001, par Philippe Lorian


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Quoi de plus subversif que nos désirs, pulsions et émotions, dans un monde où l’on nous a demandé successivement d’être un enfant obéissant, un élève appliqué, un étudiant brillant, un amant performant, un professionnel compétent, bref un travailleur et consommateur zélé, bien pensant, casé, rangé, soumis et irréprochable ? A aucun moment il n’a été question d’être simplement nous-mêmes.

Depuis de nombreux millénaires (en fait depuis l’avènement du patriarcat), l’homme a progressivement pris l’habitude de se fermer à ce qu’il ressent intérieurement, pour se conformer aux usages sociaux, codes et traditions, et correspondre à l’image et au comportement qu’on attend de lui. Le pli est pris dès les premières années : pour être aimé par ses parents (et c’est pour lui une question vitale), l’enfant comprend très vite qu’il doit satisfaire leurs besoins, exprimés et non exprimés.

C’est très exactement l’amour conditionnel, c’est-à-dire l’amour sous condition, avec pour corollaire la menace implicite : « si je suis moi-même, je ne suis plus aimé. » Le même système se reproduit dans les différents contextes ultérieurs de la vie sociale : « je ne suis apprécié et considéré que si je réponds aux attentes de l’institutrice, du patron, du mari, du médecin, du gourou, etc. » Il en résulte toute une série d’attitudes conventionnelles, de langages stéréotypés et la construction approximative d’un pseudo-moi illusoire fait de masques, artifices et déguisements variés (« looks », modes...)

Mais en niant et oubliant ses propres sentiments, l’homme s’éloigne de plus en plus de sa vérité, de sa noblesse et de son authentique spiritualité. Vouloir contrôler le flux émotionnel par la maîtrise, la discipline et la volonté, revient à mettre littéralement en prison une partie de soi-même, et peut-être la plus précieuse. (Transition pas très claire !) Ainsi les personnes qui se disent émotives sont en fait celles qui refusent fondamentalement leurs émotions, et en sont pour cette raison esclaves.

Dans la lutte que l’homme mène contre lui-même depuis si longtemps, il finit toujours perdant. Et le refoulement de la sensibilité amène une succession de conséquences catastrophiques, d’un point de vue individuel comme au plan collectif. En effet la domination de la volonté consciente sur l’affectivité et l’imaginaire, outre le rétrécissement du champ de conscience qu’elle produit, est aussi à la racine de tous les syndromes de domination : domination de l’homme sur la femme, de l’adulte sur l’enfant, de l’être humain sur les animaux, végétaux et minéraux, enfin des classes et nations privilégiées sur les pauvres et les opprimés.

Là se trouve la clé de l’étonnante indifférence de nos dirigeants (politiques et économiques) à l’égard de l’iniquité sociale et du désastre écologique, préoccupés essentiellement par leur ambition personnelle et la préservation réactionnaire de leurs privilèges : dès lors que l’on s’est coupé de sa propre sensibilité et de ses véritables aspirations, comment pourrait-on ressentir la souffrance d’autrui et s’en préoccuper ?

C’est pourquoi la solution aux multiples et cruciales difficultés présentes, par delà l’action militante indispensable et courageuse, passe par la réconciliation de l’homme avec son paysage intérieur, émotionnel et instinctif. Mais nous avons été conditionnés à craindre et fuir notre spontanéité affective. Il est vrai que plus notre monde pulsionnel a été négligé et occulté, plus il se manifestera de façon explosive et incontrôlable. Son apprivoisement est un apprentissage progressif.

En d’autres termes, le désir est sage. Faisons donc confiance à ce que nous ressentons vraiment, même si nous avons pour cela l’impression de désobéir à des normes ou des autorités, auxquelles nous nous sommes soumis jusqu’à présent. Sachons-le : dans ce monde insensé, la norme est aberrante et pathologique, car elle va le plus souvent à l’encontre de de l’intérêt véritable de l’être humain comme de la planète. Autorisons-nous donc à vivre et affirmer notre vérité, laissons-nous guider par la liberté du sentiment et la spontanéité du désir !

En fait revenir à soi est d’une désarmante facilité et simplicité : avons-nous vraiment besoin de maîtres, techniques, procédures et enseignements, pour être naturels ? Nous pouvons abandonner nos repères usés et nos habitudes d’auto-limitation et auto-dépréciation. Il est inutile de faire des efforts pour atteindre l’Eveil ou la liberté intérieure, puisque nous sommes déjà ontologiquement spirituels, êtres de bonté et de connaissance, d’une inconcevable magnificence.

Aussi est-ce le moment aujourd’hui de réaliser et manifester notre souveraine liberté, la pertinence de nos choix et aspirations, et d’entraîner avec nous nos frères et soeurs humains, animaux et autres, pour faire de cette Terre le jardin édénique dont elle rêve en secret.

Auteur(s)
Philippe Lorian

Instigateur des utopies concrètes, formateur.



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